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Le divan

Le divan, d'Edmond Rostand


Quand on est couché sur le divan bas

Devant la fenêtre,

C'est délicieux, car on ne sait pas

Où l'on peut bien être.


Mollement couché, des coussins au dos,

On goûte une joie :

On ne voit plus rien, entre les rideaux,

Que le ciel de soie !


Ni sordides murs, ni toits, ni sommet

D'arbre de décembre !

Mais on revoit tout sitôt qu'on se met

Debout dans la chambre !


Dès qu'on est debout, on revoit la cour

De zinc et d'asphalte,

Tout ce qui, soudain, quand le rêve court,

Vient lui dire : « Halte ! »


L'envers des maisons, luxe à prix réduit,

Gaz et tuyautages,

Et l'affreux vitrail qui se reproduit

A tous les étages !


Dès qu'on est debout, on voit brusquement

Tout ça reparaître.

On s'étend : plus rien que du firmament

Dans une fenêtre !


C'est pourquoi, souvent, quand je me sens las

De vulgaire vie,

Durant tout un jour, sur le divan bas,

Je rêve et j'oublie.


Et j'aime rester immobile sur

Le vieux divan rouge,

Sachant qu'on détruit le carré d'azur

Aussitôt qu'on bouge.


Et je n'aperçois que du bleu, du bleu,